Officiellement né le 3 août 1903 à Monastir, fils d’un officier de l’armée beylicale, il était le plus jeune de huit frères et sœurs. Sa famille appartenait à la classe moyenne du Sahel tunisien. Envoyé à Tunis à l’âge de cinq ans auprès de son frère aîné, Bourguiba fait ses études primaires et secondaires au collège Sadiki puis au lycée Carnot.
Muni du Baccalauréat, il part à Paris pour « étudier le droit en vue de combattre le protectorat français ».
Habib Bourguiba revient en Tunisie en 1927 muni d’un diplôme lui permettant d’exercer le métier d’avocat. Il se lance tout de suite dans l’action politique en rejoignant les rangs du Parti Destourien (parti nationaliste qui prône le retour à une Tunisie traditionnelle) et en collaborant au journal L’Étendard tunisien, avant de fonder, en 1932, L’Action tunisienne.
Très vite, ce meneur d’hommes au verbe facile et au regard séduisant réalise que la libération de son pays ne peut pas être l’oeuvre d’une classe politique cloîtrée au cœur de Tunis et méfiante à l’égard des masses populaires.
En 1934, il claque la porte du vieux Destour de Cheikh Abdelaziz Thaalbi et fonde, avec un groupe de jeunes, le parti du Néo-Destour. Au bout de seulement quelques mois d’actions politiques menées par Bourguiba et ses compagnons, et de contact direct avec les foules, le résident général français, Marcel Peyrouton, fait arrêter les «agitateurs» et ordonne leur déportation dans le Sud tunisien. Cette détention se prolonge jusqu’en 1936.
De nouveau arrêté le 10 avril 1938, Bourguiba est détenu à la prison civile de Tunis puis au pénitencier de Téboursouk. Le 26 mai 1940 Bourguiba et ses compagnons sont transférés au fort Saint-Nicolas à Marseille. En novembre 1942, ils seront encore une fois déplacés au fort Montluc à Lyon, puis au fort Vancia, dans l’Ain.
Bourguiba sera libéré le 1er décembre 1942 par les Allemands, mais refuse de se ranger du côté des puissances de l’Axe. «L’Allemagne ne gagnera pas la guerre et ne peut la gagner», écrit-il juste avant sa sortie de prison, dans une lettre adressée à son compagnon de lutte Habib Thameur : «L’ordre vous est donné à vous et aux militants d’entrer en relation avec les Français gaullistes en vue de conjuguer notre action clandestine. Notre soutien doit être inconditionnel, c’est une question de vie ou de mort pour la Tunisie.»
Le soutien apporté par le Néo-Destour à la Résistance française n’est malheureusement pas pris en compte par les autorités coloniales, au lendemain de la défaite des forces de l’Axe. Moncef Bey, le souverain le plus populaire de la dynastie husseinite, est destitué, et Bourguiba, désappointé par la France, quitte clandestinement le pays. C’est au Caire qu’il s’installe et fréquente, de 1945 à 1949, les milieux nationalistes et intellectuels arabes.
En 1947, il effectue une visite aux Etats-Unis pour défendre la cause de son pays. Déçu par ses contacts dans le monde arabe, – et notamment avec la Ligue arabe – il comprend qu’il lui faudra compter avant tout sur ses propres forces et sur les mouvements anticoloniaux en Occident.
Rentré d’exil, il se met à sillonner la Tunisie pour reprendre le contrôle de l’appareil du Néo-Destour, animé en son absence par son lieutenant et futur rival Salah Ben Youssef.
Après l’échec, en 1951, d’une expérience gouvernementale avec une participation destourienne, Bourguiba comprend que la route de l’indépendance est encore longue.
En janvier 1952, il est arrêté pour avoir appelé ses compatriotes à multiplier les actions de résistance. La chance lui sourit le 31 juillet 1954 lorsque Pierre Mendès France, Président du Conseil (premier ministre) français, débarque à Tunis et déclare devant le bey à Carthage que Paris n’est pas opposé à l’émancipation du peuple tunisien.
Le 1er juin 1955, Habib Bourguiba effectue un retour triomphal à Tunis, juste après la signature des conventions franco-tunisiennes reconnaissant l’autonomie interne du pays. Son habileté manœuvrière et sa détermination à devenir le maître incontesté du Néo-Destour le poussent à exclure du parti et à contraindre à l’exil son influent rival, Salah Ben Youssef, qui refuse l’autonomie interne.
La proclamation de l’indépendance le 20 mars 1956 semble avoir été hâtée par l’obstination de Bourguiba, de plus en plus soucieux de prouver le bien-fondé de sa «politique des étapes», surtout après le soutien apporté par le Président égyptien Gamal Abdel Nasser à Salah Ben Youssef.
Le 25 mars 1956, la Tunisie connaît ses premières élections libres. À l’issue du scrutin, une assemblée constituante de 98 membres est élue. Présidée par Habib Bourguiba l’assemblée fait aussi office de parlement monocaméral. Bourguiba sera remplacé à cette fonction par Jallouli Farès le 15 avril 1956 pour devenir Premier Ministre.
Dès la première année de l’indépendance, Bourguiba inaugure une pléthore de réformes législatives, dont le fleuron reste le code du statut personnel (CSP).
Promulgué le 13 août 1956, il accorde à la femme des droits sans équivalent dans le monde arabe. Il abolit notamment la polygamie et la répudiation, et exige, pour le mariage, le consentement mutuel des futurs époux. Cette attaque contre les sources de la discrimination contre les femmes fait des Tunisiennes des privilégiées au Maghreb et au Proche-Orient.
En devenant le premier Président de la République, le 25 juillet 1957, après avoir aboli la monarchie dans un climat de liesse générale, Habib Bourguiba poursuit son projet de construction d’un Etat moderne, en s’appuyant sur un parti dont les cellules quadrillent le pays. Il voit dans la gratuité de l’enseignement le meilleur outil de combat contre le sous-développement. Environ le tiers du budget de l’État y est consacré.
Tout en étant soucieux d’élargir la base de son parti et d’encourager les jeunes à assumer des responsabilités politiques de premier plan, Bourguiba n’a jamais promis la démocratie. Le pluralisme politique risquant, selon lui, de semer la division et de réveiller «les mentalités tribales et rétrogrades». Il estime que la mainmise de son parti sur les syndicats, le contrôle de la presse et l’interdiction du pluralisme sont les seuls moyens de réaliser son projet de développement.
Bourguiba constitue le premier Gouvernement de la Tunisie indépendante.
Il introduit au parlement la loi du code du statut personnel, qui donnera à la femme Tunisienne des droits complètement ignorés auparavant comme le consentement au mariage, l’âge du mariage, l’abolition de la polygamie, le droit de vote, le divorce civil ...
L’assemblée Nationale Constituante proclame l’abolition de la monarchie et l’institution de la République avec Habib Bourguiba comme premier Président qui sera plus tard plébiscité constitutionnellement le 8 novembre 1959.
Un programme de réformes agraires est entamé, suivi de l’abolition des « Habous ». La justice est unifiée, tunisifiée et dotée d’outils modernes et homogènes.
À partir de juin 1958, le jeune État tunisien a entrepris d’uniformiser l’enseignement et de le réformer de fond en comble. Puis a ordonné sa généralisation et sa gratuité pour tous les Tunisiens, sans discrimination de sexe.
Un vaste programme de construction de l’infrastructure de base est très vite mis en œuvre, couvrant des hôpitaux publics, des routes reliant les différentes zones du pays, des barrages hydrauliques pour une gestion plus efficiente des ressources en eau et en énergie.
Bourguiba restera à la tête de la Tunisie jusqu’au 6 novembre 1987 date à laquelle il a été écarté pour raisons de santé, par son premier ministre et ministre de l’intérieur de l’époque. Bourguiba passera le restant de ses jours à Monastir sous résidence surveillée jusqu’à sa mort le 6 avril 2000.
Il sera enterré au Mausolée de la famille Bourguiba le 8 avril 2000.